Minimiser les déchets et maximiser l’efficience
Une économie circulaire (EC) repose sur les principes d’élimination des déchets et de la pollution, de maintien en service des produits et des matériaux, et de régénération des systèmes naturels, comme défini par la Fondation Ellen MacArthur. Le secteur de la construction, selon le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement), est responsable de 37% des émissions de gaz à effet de serre, ce qui en fait un candidat de premier plan pour les pratiques d’économie circulaire.
Avec une population urbaine qui devrait croître considérablement d’ici 2050, le secteur de la construction devrait également se développer, présentant à la fois des défis et des opportunités. Le secteur du bâtiment est inclus dans le Plan d’action pour l’économie circulaire et le Règlement sur la taxonomie de l’UE. Ils fixent des objectifs ambitieux de durabilité et de neutralité climatique d’ici 2050. Ces politiques encouragent non seulement une réduction de l’utilisation des ressources et des déchets, mais mettent également l’accent sur des conceptions flexibles et durables. Pour les entreprises du secteur de la construction, intégrer les pratiques de l’économie circulaire n’est plus une option, mais une nécessité pour se conformer aux normes de l’UE et atteindre des gains à la fois environnementaux et économiques.
Réglementations de l’UE soutenant l’économie circulaire
Reconnaissant le besoin de transformation durable, l’Union européenne a mis en place plusieurs politiques visant à intégrer les principes circulaires dans l’industrie de la construction. Plusieurs réglementations récentes de l’UE fournissent le cadre pour une industrie de la construction circulaire. Le Plan d’action pour l’économie circulaire (2020), pierre angulaire du Pacte vert européen, encourage les secteurs à adopter des principes circulaires. Le plan a mis particulièrement en avant le secteur de la construction, en fixant un objectif de recycler 70 % des déchets de construction et de démolition non dangereux en 2020, les pays membres dépassant même ce seuil.
En outre, le Règlement européen sur les produits de construction (CPR) pousse le secteur vers l’éco-conception, en veillant à ce que les produits respectent des normes environnementales, que les matériaux soient renouvelables, à faible empreinte carbone, et sûrs pour le réemploi.
Ce cadre réglementaire s’aligne sur l’ambition de l’UE d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. Pour les PME du secteur de la construction, cela représente une opportunité unique d’adopter des pratiques circulaires qui non seulement aident à respecter les normes réglementaires, mais positionnent également ces entreprises comme des leaders en matière de durabilité sur le marché. Se conformer à ces réglementations peut offrir un avantage concurrentiel et répondre à la demande croissante des clients pour des pratiques de construction respectueuses de l’environnement.
Dans la seconde partie, découvrez les technologies et les stratégies liées à l’économie circulaire dans la construction.
Technologies et stratégies pour devenir plus durables
L’économie circulaire révolutionne le secteur de la construction en réduisant les déchets et en optimisant l’utilisation des ressources. Grâce à des technologies innovantes et des stratégies durables, les entreprises peuvent construire de manière plus responsable tout en améliorant leur efficience et en réduisant leurs coûts.
Réutilisation et recyclage des matériaux
Les activités de construction sont une source importante de déchets et contribuent significativement aux impacts environnementaux. Cependant, en réutilisant les matériaux issus des démolitions et en intégrant des matériaux recyclés, l’industrie peut réduire considérablement son empreinte écologique.
Pour minimiser l’impact environnemental, le secteur de la construction adopte de plus en plus le béton recyclé et les matériaux biosourcés, tels que le bois issu de sources durables et les composites à base de mycélium. Le béton recyclé peut réduire les émissions de CO₂ jusqu’à 50 % par rapport au béton neuf, tandis que les matériaux biosourcés offrent des avantages supplémentaires: le bois, par exemple, agit comme un puits de carbone naturel, et les composites à base de mycélium sont une alternative renouvelable, légère et à faible empreinte environnementale. Ces matériaux innovants jouent un rôle clé dans la réduction de la dépendance aux ressources de construction traditionnelles, à forte intensité énergétique.
Le potentiel de réduction de l’impact environnemental est immense. Selon un rapport de 2024 du Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne, les déchets de construction et de démolition (DCD) représentent près de 40 % de tous les déchets générés dans l’UE. L’étude estime qu’environ 83 % des DCD peuvent potentiellement être recyclés ou préparés pour une réutilisation. Exploiter ce potentiel pourrait permettre des économies annuelles de 33 à 52 millions de tonnes d’équivalent CO₂, soit l’équivalent des émissions annuelles combinées de l’Estonie, de la Lettonie et du Luxembourg.
La Fondation Ellen MacArthur estime que les émissions associées aux matériaux de construction pourraient être réduites de 38 % d’ici 2050 grâce aux stratégies circulaires.
Construction modulaire et préfabriquée
La construction modulaire est une tendance en forte croissance dans le secteur. Les méthodes de construction modulaire et préfabriquée permettent de fabriquer des parties d’un bâtiment hors site, dans des environnements contrôlés. Cette approche réduit les déchets en optimisant l’utilisation des matériaux et en limitant les erreurs sur site.
Les méthodes modulaires réduisent les déchets tout en facilitant le démontage et la réutilisation des éléments dans d’autres projets. Les avantages s’étendent aussi aux délais et aux coûts des projets, car les matériaux sont utilisés plus efficacement et les temps d’assemblage sont réduits jusqu’à 50 %.
Les bâtiments modulaires sont également conçus pour être évolutifs, ce qui signifie qu’ils peuvent s’adapter aux besoins changeants ou être entièrement réutilisés. Cette flexibilité s’inscrit parfaitement dans les principes de l’économie circulaire en réduisant le besoin de démolitions et de reconstructions fréquentes.
Prolonger la durée de vie des bâtiments
Un objectif clé de l’économie circulaire est d’allonger la durée d’exploitation des bâtiments grâce à une maintenance efficace, au réemploi et aux rénovations. De nombreuses entreprises utilisent des jumeaux numériques – des répliques digitales d’actifs physiques – pour surveiller l’état des bâtiments et anticiper les besoins de maintenance. Ces informations permettent des réparations proactives, prolongeant la durée de vie des bâtiments tout en réduisant les déchets matériels.
Pour prolonger encore plus la durée de vie des bâtiments, certaines entreprises adoptent des modèles “product-as-a-service” (PaaS), où des composants tels que l’éclairage, les façades ou les revêtements de sol sont loués plutôt qu’achetés. Ce modèle inclut des services de maintenance et de mise à niveau, maximisant ainsi l’utilisation des composants et réduisant la demande en nouveaux matériaux.
Outils numériques pour l’optimisation des ressources
Les outils numériques jouent un rôle clé dans l’optimisation des ressources en construction:
- Plateformes basées sur l’IA: elles permettent de suivre l’utilisation des matériaux, garantissant une commande, une utilisation et un stockage efficaces, réduisant ainsi les déchets tout en améliorant l’efficacité opérationnelle.
- Capteurs intelligents et IoT: ils surveillent la performance des bâtiments, la consommation d’énergie, la qualité de l’air et de l’eau, et fournissent des données pour améliorer l’efficacité et réduire les déchets. Ces technologies permettent également une maintenance prédictive, traitant les problèmes avant qu’ils ne surviennent, ce qui prolonge la durée de vie des bâtiments et préserve les ressources.
Analyse du cycle de vie (ACV) et conception circulaire
L’impact environnemental d’un bâtiment dépasse largement sa phase de construction initiale. Les analyses du cycle de vie (ACV) permettent aux entreprises de mesurer l’empreinte écologique d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, de l’extraction des matières premières à sa démolition. Ces évaluations soutiennent les objectifs de l’économie circulaire en identifiant les matériaux pouvant être remplacés par des alternatives plus durables, réduisant ainsi les émissions de carbone.
Les principes de la conception circulaire facilitent également la récupération des matériaux en fin de vie. Par exemple, l’utilisation de vis plutôt que d’adhésifs permanents permet de démonter et de réutiliser plus facilement les composants, maximisant ainsi leur valeur dans l’économie.
Un exemple concret: La plateforme Madaster aux Pays-Bas
La plateforme Madaster est une initiative innovante originaire des Pays-Bas qui illustre parfaitement les principes de l’économie circulaire dans le secteur de la construction. Au cœur de cette plateforme se trouve le concept de passeports matériaux – des enregistrements numériques détaillés de tous les matériaux utilisés dans un bâtiment. Ces passeports contiennent des informations sur le type, la quantité, la qualité et l’emplacement des matériaux, transformant ainsi les bâtiments en réservoirs de ressources précieuses plutôt qu’en simples sources de déchets.
Cette approche permet de récupérer et de réutiliser facilement les matériaux en fin de cycle de vie du bâtiment, favorisant ainsi une transition des modèles traditionnels de construction linéaire vers des pratiques circulaires.
Madaster promeut également la transparence et la traçabilité, en offrant aux parties prenantes – architectes, entrepreneurs et propriétaires – des données précises sur les matériaux présents dans leurs bâtiments. Cette transparence facilite non seulement la prise de décisions durables, mais attribue aussi une valeur résiduelle aux matériaux, créant ainsi des incitations financières pour leur réutilisation. De cette manière, la plateforme encourage à considérer les bâtiments comme de véritables banques de matériaux, dont la valeur économique dépasse leur simple usage initial.
Grâce à son intégration avec les systèmes de modélisation des informations du bâtiment (BIM), Madaster garantit que les données sur les matériaux restent précises et accessibles tout au long du cycle de vie d’un bâtiment. Elle propose également des outils permettant d’évaluer les impacts environnementaux, notamment en matière de carbone incorporé, aidant ainsi les parties prenantes à aligner leurs projets sur les objectifs et réglementations en matière de durabilité. Cette fonctionnalité facilite la conformité des projets de construction avec les ambitions du Programme néerlandais d’économie circulaire, qui vise une économie totalement circulaire d’ici 2050.
La plateforme a déjà été mise en œuvre avec succès dans divers projets aux Pays-Bas, notamment dans des bâtiments gouvernementaux et commerciaux, où elle a facilité la récupération et la réutilisation des matériaux de construction. En favorisant la collaboration entre développeurs, municipalités et producteurs de matériaux, Madaster crée un écosystème cohérent qui soutient la construction circulaire. Son succès illustre le potentiel de l’innovation numérique pour accélérer la transition vers la durabilité dans les industries traditionnelles et sert de modèle pour l’adoption des principes de l’économie circulaire à l’échelle mondiale.
L’avenir de l’économie circulaire dans la construction
Face aux pressions réglementaires et aux attentes des clients, l’économie circulaire offre une voie évidente vers un secteur plus durable.
L’essor des solutions cleantech continue de combler le fossé entre durabilité et efficience, proposant des innovations permettant de répondre aux normes européennes et aux exigences du marché. Adopter ces pratiques ne se limite pas à la conformité réglementaire, c’est aussi une opportunité stratégique qui positionne les entreprises de construction comme leaders de l’innovation verte.
La transition vers une industrie de la construction circulaire s’accélère, et les entreprises qui agissent rapidement seront les premières à bénéficier des nouvelles opportunités.